Amobé Mévégué, un journaliste engagé pour la culture africaine
Notre collègue et ami Amobé Mévégué s'est éteint à 52 ans victime d’un paludisme foudroyant. Ancien journaliste de RFI et présentateur sur France 24, il savait transmettre ses coups de cœur et sa passion comme personne.
Son crâne lisse, son allure juvénile, ses vêtements colorés, sa gentillesse vont nous manquer. Amobé Mévégué –pour ceux qui l’ont côtoyé – c’était avant tout un garçon accessible toujours souriant et souvent blagueur. Mais c’était aussi et surtout un homme d’une immense culture, et pas seulement dans le domaine musical. Il était curieux de tout : cinéma, littérature, poésie. Cela dépassait largement le cadre de la musique, sujet qu’il connaissait évidemment par cœur. Ses conseils avisés en la matière étaient d’ailleurs précieux pour nous qui travaillions dans la même entreprise.
De Tabala FM à France 24
Le monde des médias, Amobé le connaissait parfaitement et pour cause : ce garçon originaire du Cameroun et arrivé en France à l’âge de 5 ans avait dans les années 1980 fait figure de pionnier en s’engageant à l’aventure de Tabala FM, première radio africaine établie en France. C’est ainsi qu’a démarré sa longue carrière radio-télévisée. En 1994, alors âgé de 25 ans seulement, il produit sur RFI l’émission Plein Sud écoutée par plus de 45 millions d’auditeurs. Deux ans plus tard, en parallèle, il coproduit Africa Musica, un hit-parade des musiques africaines.
En 1998, avec la présentatrice TV Myriam Seurat, ils mettent au point le premier talk-show sur MCM Africa, un quotidien de la diversité. Amobé Mévégué, c’était aussi TV5 Monde où il a animé l’émission Acoustic, et depuis 2010 France 24 ou il était aux manettes de l'émission culturelle À l’Affiche !. Son talent était évident aussi bien sur un plateau de télévision qu’au micro. Dans cette riche carrière, on notera aussi la création en 2000 du magazine Afrobiz, il avait aussi fondé la chaîne de télévision panafricaine Ubiznews disponible en Afrique sur le bouquet canal satellite, et en France sur le câble. C’était un donc un entrepreneur hyperactif, avec toujours un projet en tête.
Amobé, c'est un exemple pour la jeunesse : il ne faut pas avoir peur des défis, il ne faut pas se poser des questions, il faut se jeter à l'eau.
Durant toutes ces années, Amobé a reçu les plus grandes stars de la musique internationale. Beaucoup d’entre elles ont exprimé leur tristesse et leur choc à l’annonce de sa disparition. Le sénégalais Youssou N’Dour évoque sur RFI la perte d’un ami, d’un frère. Pour lui, la diaspora noire a perdu un homme « qui donnait le micro à tout le monde ». « C’est une triste nouvelle pour le panafricanisme », regrette de son côté et toujours sur RFI le rappeur sénégalais Didier Awadi, très proche d’Amobe Mevegué. Il relève que notre collègue « comprenait parfaitement les enjeux culturels de notre époque, nous discutions beaucoup et avions d’énormes projets ensemble ». Quant au chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly, il garde l’image d’un homme « qui se battait tous les jours pour donner une image positive du continent africain. [...] Je suis vraiment sous le choc », ajoute le reggaeman ivoirien.
Le continent africain vient de perdre un grand monsieur de la culture, un grand journaliste. Un monsieur sympa, vrai, honnête. Un monsieur qui aidait vraiment tout le monde, qui donnait l'opportunité à tout le monde de s'exprimer.
Des convictions profondes
Mais au-delà du journaliste, Amobé Mévégué était aussi un homme de convictions. Il militait activement pour le développement du continent et de la communauté noire en France. Il y a une vingtaine d’années, celui que les auditeurs ou téléspectateurs connaissaient sous le nom d’Alain Mévégué avait ainsi décidé de changer de prénom. Désormais, il s’appellerait Amobé. Il ne s’agissait pas là d’un caprice ou d’une lubie, mais bel et bien une démarche culturelle et identitaire. « Pour moi, c’est quelque chose d’important un nom. Il a une charge émotive et une charge historique », expliquait-il dans un entretien accordé en 2004 à Afrik.com. Jusque dans ses tenues vestimentaires, il voulait valoriser la culture africaine en faisant souvent appel à des créateurs africains.
En privé, il dénonçait la mal gouvernance et la corruption qui gangrène le continent. Il rêvait d’une Afrique qui corresponde aux ambitions de sa jeunesse… Il fustigeait beaucoup aussi le racisme en Europe se battant contre les idées reçues dont sa communauté est victime notamment en Europe.
La disparition d’Amobé Mevegué a été ressentie comme un choc : il y a quelques jours encore le 21 aout, il se trouvait dans son pays natal le Cameroun pour assister à l’inhumation de sa mère au village Nkolbogo, dans le département de la Lékié dans le centre du pays. « Infinie gratitude à toi Madame "Patriarche", pour l’amour absolu que tu as donné à TOUS tes enfants », écrivait-il sur sa page Facebook au lendemain de cette inhumation.
Amobé va beaucoup nous manquer, son beau visage, son sourire, sa gentillesse resteront dans nos mémoires.
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